David Cronenberg

Publié le par Sylvain Altazin (Dionys)



Né à Toronto (Ontario, Canada) en 1943, d'un père journaliste et d'une mère pianiste, David Cronenberg entreprend des études de sciences puis des études de littérature et de langue anglaise. Son intérêt pour la biologie et la biochimie ainsi que son goût pour la science l’amènent vers l’écriture de nouvelles de science fiction. Ses premières armes au cinéma, entre la fin des années 60 et le début des années 1970, laissant paraître un penchant pour l'expérimental [1], sont avant tout un moyen d’écrire[2] autrement. Il travaille également quelques années pour la télévision canadienne[3] et se dirige vers le cinéma commercial, en particulier le cinéma de genre. 

C’est à travers le film d’horreur et le film gore[4] que Cronenberg va mettre en place une vision du monde personnelle et dont la thématique ne cessera d’imprégner toute sa filmographie à venir : l’horreur intérieure, le lien entre la sexualité et la mort, le virus et la maladie, l’homme-machine, la mutation, le monstrueux.

« D'où la forme générale que prendra le scénario-type : le héros, à la suite d'une de ces interventions, se retrouve contaminé par un virus qui altère son humanité. (...) elle peut lui conférer des pouvoirs "surhumains", paranormaux (la télépathie et la télékinésie dans Scanners, l'efficacité d'une machine dans Videodrome, la surpuissance sexuelle et la force physique dans The Fly, la possibilité de prévoir l'avenir dans Dead Zone) ; mais elle peut aussi le faire régresser vers l'animalité (la sangsue de Rabid (Rage), la femelle animale de The Brood, l'insecte de The Fly et Naked Lunch, l'animal en rut dans Shivers - Frissons). Le héros ne recouvrera jamais la « santé » (normalité) ; souvent, d’ailleurs, il ne le désire pas. Il profite plutôt de l’occasion pour échapper au sort commun. Il tente (…) d’épouser sa monstruosité jusqu’à l’extrême limite (…) « jusqu’au bout », dans un au-delà de la chair qui n’a rien à voir avec l’angélisme chrétien, mais se référerait plutôt aux spéculations scientifiques sur l’optimisation des capacités physiques. » [5]

Cette constance se retrouve dans le choix des lieux de tournage (essentiellement l’Ontario ou le Québec) et la fidélité à son équipe[6]. Vingt années de variation sur l’approche cronenbergienne du genre humain :

Shivers / Parasite muders - Frissons (1975) : Une lombric sexuellement transmissible vient rompre l’ordre et l’harmonie au sein d’une communauté demeurant dans un immeuble policé et sécurisé. 

Rabid - Rage (1977) : Suite à une opération chirurgicale, une femme se voit pousser sous l’aisselle un sorte de dard grâce auquel, mue par des pulsions à la fois sexuelles et meurtrières, elle contamine de nombreuses personnes.

The Brood - Chromosome 3 (1979) : La « rage intérieure » d’une femme se matérialise physiquement jusqu’à enfanter, sans rapport sexuel, des monstres vengeurs et asexués.

Scanners (1981) : Un guerre éclate entre multinationales et cerveaux surdimensionnés, capables de pénétrer les pensées d’autrui ainsi que l’intérieur d’un ordinateur.

Videodrome (1983) : Un personnage dévoreur d’images cathodiques transformé en magnétoscope humain est pris dans les filets d’un complot politico-économique, entre images virales et hallucinations sexo-mortifères.

The Dead Zone (1983) : Suite à un accident de voiture, un homme tombe dans le coma, et se réveille plusieurs années après avec la capacité de voir le passé ou le futur des personnes dont il touche la main.

The Fly - La Mouche (1986) : Une mouche se glisse à l’intérieur du programme de téléportation d’un scientifique, métamorphosant peu à peu ce dernier en insecte géant.

Dead Ringers (1988) : Des jumeaux gynécologues sont pathologiquement fascinés par l'intérieur du corps d’une femme possédant un utérus trifide.

Naked Lunch - Le festin nu (1991) : L’antre monstrueux et halluciné de la création littéraire.

M. Butterfly (1993) : Un homme s’éprend d’un homme qu’il prend pour une femme.

Crash (1996) : La « petite mort » scandée par les accidents de voitures et les femmes-machines.

Existenz (1999) : Biotechnologie et réalité virtuelle s'entrmêlent dans un imbroglio narratif où les enjeux politiques, religieux et économiques ne sont jamais absents.

Spider (2002) : Un autiste pendu à ses souvenirs d’enfance fantasmés et son complexe d’œdipe. 

A History of violence (2005)

Les promesses de l'ombre (2007)



[1] Des courts-métrages : Transfer (1966), From the drain (1967) ; des moyens-métrages : Stereo (1969), Crimes of the future (1970), tous deux financés par des maisons de production de films X et dans lesquels transparaissent déjà les thèmes de la maladie, la science, la sexualité et la mort.

[2] Il lit William Burroughs, Henry Miller, T.S. Eliot, Samuel Beckett ou encore Vladimir Nabokov et se dit d’ailleurs plus influencé par ces écrivains que par un quelconque cinéaste. Cronenberg « est toujours parti de la sensation, de l'écriture, et n'a utilisé la technologie très sophistiquée du cinéma moderne que pour servir son texte. » (Serge Grünberg, David Cronenberg, Cahiers du cinéma - collection « Auteurs », p. 15)

[3] Il tourne une dizaine de téléfilms et des épisodes pour les séries Peep show, Programme X ou Teleplay

[4] « le roi du gore viscéral », comme l’écrit Serge Grünberg dans David Cronenberg, Cahiers du cinéma - collection "Auteurs", 2002, p. 9

[5] Serge Grünberg, David Cronenberg, Cahiers du cinéma - collection "Auteurs", 2002, p. 27-28

[6] « je donne à lire le scénario à mon chef électricien. Tous les membres de l'équipe lisent le scénario ; ce n'est pas comme à Hollywood où la plupart des gens ne savent pas à quoi ils travaillent. » (David Cronenberg, David Cronenberg Entretiens avec serge Grünberg, Cahiers du cinéma, 2000 p.79)

Publié dans CINEMATOGRAPHE

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G
Bravo pour cet excellent article, consacré à l'un des cinéastes les plus originaux et les plus viscéraux de sa génération.
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